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D’origine bordelaise, Bénédicte Dorfman fait un DUT Tech de Co à Nanterre et débute sa carrière comme agent commercial pour le constructeur de produits nautiques Erplast. Découvrant l’aviron, elle transforme sa passion pour ce sport en métier et se lance dans diverses formations et certifications : brevet d’État 1er degré option aviron en 2002, DESJEPS option Nautisme en 2010, coach spécialisée handisport et indoor en 2011 et 2015.
En parallèle, ses capacités sportives lui permettent d’être sélectionnée pour les Jeux olympiques de Barcelone et Sydney, ainsi qu’aux championnats du monde chaque année dès 1988 pendant treize ans sans interruption. Elle en revient médaillée d’argent en 1996,1997,1998 et 2005. Lors des coupes du monde, ses prouesses la décorent de médailles de bronze en 1991, d’argent en 1998, 2000, 2005 et or en 1998, 2005. Elle travaille également pour le Conseil général de la Savoie sur la base départementale d’aviron entre 2006- et 2016, puis est responsable des opérations techniques d’aviron pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de Tokyo entre 2019 et 2021. Elle profite de son expatriation au Japon pour lancer sa propre activité « BNé BIKE », qui marie son engouement pour le cyclisme et la découverte de l’archipel.
1. Vous avez piloté les opérations concernant l’aviron pour les J.O. de Tokyo. Comment avez-vous décroché ce poste ? Donnez-nous un aperçu du travail.
Avant de travailler pour la base départementale d’Aiguebelette en Savoie, j’ai participé en tant qu’athlète aux championnats du monde en 1997. Trouvant le lieu paradisiaque mais mal agencé, j’avais à cœur d’initier des travaux pour son réaménagement. Il faut savoir que la Fédération internationale des sociétés d’aviron (World Rowing) contrôle toutes les compétitions mondiales et impose des normes sur le lieu, les installations, l’organisation, l’arbitrage, etc. Ayant collaboré avec elle pendant 4 ans pour ces travaux, j’étais connue auprès de cet organisme. Elle m’a recommandée au Tokyo 2020 Organising Committee et c’est ainsi que j’ai rejoint l’équipe d’aviron constituée de 7 puis 14 personnes.
Les J.O. en aviron représentent 14 épreuves pour 526 athlètes soutenus par le même nombre de personnel (coachs, personnel médical, physiothérapeutes, etc.). J’ai occupé le poste de manager technique, à savoir responsable du bassin (c’est là où se passe la compétition même). Cela englobe : les règles de circulation, la sécurité, l’arbitrage, la mise en place. Mes interlocuteurs privilégiés étaient le comité d’aviron japonais, World Rowing, les sauveteurs, les arbitres, les autres managers de sport, d’équipes, d’aménagement et d’équipements. Je devais également rester en contact étroit avec le manager gérant le canoë-kayak pour négocier et contrôler l’occupation du bassin. Il y avait aussi dans mon cahier des charges le facteur météo car, pour l’anecdote : les bateaux sont fabriqués en carbone et attirent la foudre lorsqu’on est sur l’eau en cas d’orage !
2. Beaucoup de paramètres à gérer ! Par expérience, avez-vous constaté des différences importantes entre l’organisation des JO et des championnats du monde ?
Il n’y a pas de grande différence dans l’organisation car ce sont les mêmes distances, les mêmes infrastructures.
En revanche, il y a environ deux fois plus d’épreuves et trois fois plus d’athlètes aux championnats du monde, et l’handi-aviron (aviron pour personnes handicapées) s’effectue en même temps. Les JO représentent moins de participants et les épreuves paralympiques ont lieu quinze jours plus tard, la gestion en est facilitée.
De plus, la qualification se fait aux championnats du monde où les huit meilleures de chaque embarcations sont qualifiées pour les épreuves olympiques – le niveau est très dense, c’est ensuite en fonction des continents pour avoir une meilleure représentativité des nations. Ils sont aussi beaucoup plus exigeants en termes de services, préparation, installation (chaque équipe doit avoir son espace, beaucoup plus de salles de repos !). Les moyens sont plus importants donc les athlètes sont plus choyés, d’où l’aboutissement pour tout sportif d’y participer.
Cette compétition d’une grande notoriété a un véritable pouvoir sur le sort de tout sport : du moment qu’il est bien représenté aux J.O., ses championnats sont bien promus, médiatisés, financés et poussés vers l’avant. Et de facto, vice versa. World Rowing est une pièce maîtresse, ils sont pointilleux mais connaissent les tenants et aboutissants pour permettre à l’aviron de percer davantage.
3. En effet, vous êtes maintenant aux premières loges pour mieux comprendre les rouages du sport. En tant qu’athlète (qui fait 30 km de vélo par jour avec Bné BIKE !) devenue organisatrice, que souhaiteriez-vous faire pour pousser le métier ?
J’ai toujours voulu faire prendre conscience du plaisir du sport aux spectateurs. J’avais initié ce réaménagement du bassin en Savoie car les tribunes du public étaient très éloignées du parc à bateaux et des athlètes. Pour moi, le sport est une grande famille: j’aime cette mixité qu’il apporte, les relations, les échanges, les confrontations… Les images font rêver et donnent envie, j’apprécie quand l’athlète est accessible. Que ce soit le rugby ou tout autre discipline, le voir de près, fouler les mêmes lieux vous laisse une impression autre. Créer une communauté entre spectateurs et athlètes donne le goût du sport et j’ai toujours acté dans ce sens.
Ensuite, je suis devenue militante pour obtenir la parité dans l’aviron. De manière très étrange, les victoires des champions d’aviron sont beaucoup plus médiatisées que celles des championnes. Aussi, aucun soutien n’est apporté aux athlètes devenues mères. Que ce soit les aménagements horaires des entraînements ou de l’assistance, les fédérations manquent beaucoup de souplesse. Physiquement, une mère est tout à fait capable de réussir et j’en suis la preuve : après une interruption de 4 ans de haut niveau, je suis vice championne du monde au Japon en 2005. Mais cela n’a pas été sans sacrifice et aurait pu être hautement facilité avec un peu de plus compréhension. Je me demande encore aujourd’hui si un dispositif plus accessible aurait pu me permettre de me qualifier pour les JO de 2008. J’ai d’ailleurs animé un débat sur ce sujet à une conférence de la CCIFJ, « Tokyo 2020 : quel rôle et influence pour les femmes dans les Jeux Olympiques ? ».
Pour rebondir sur mes 30 km de vélo au quotidien, j’aime les sports extérieurs, où je retrouve un équilibre mental et physique. D’où mon idée Bné BIKE ! Destinée aux femmes, ma mission est d’allier sport et visite culturelle durant une demi-journée ou une journée entière. C’est un moment pour profiter du grand air et se laisser guider – une denrée rare d’ailleurs lorsqu’on porte sur ses épaules la parentalité. Rien de plus simple : vous venez au point de rendez-vous avec n’importe quel vélo et je prends la relève. Ayant déjà fait 20 000 km de repérage en vélo dans tout le Japon, je prévois aussi des voyages sur les côtes dont la préfecture d’Aomori, Matsue, la péninsule de Noto…tout un programme !
Lorsque j’ai réfléchi à cette reconversion professionnelle, j’ai beaucoup pensé aux paramètres notamment ma mobilité : le vélo est présent dans le monde entier. Où que je sois dans le futur, je pourrai pratiquer et partager cette passion qui aujourd’hui est partie prenante du développement durable. J’ai vraiment pris le temps de construire le « why » de mon projet et le Club Entrepreneures de FAJ m’a ouvert les yeux sur cette réflexion, sur les bonnes questions à se poser vis-à-vis de mon nouveau métier.
Pour celles que j’ai pu convaincre de découvrir le bonheur du sport allié aux paysages du Japon, partagez avec moi vos envies ici !
Remerciements à sensemofr.com pour son expertise de relecture et corrections de texte