Diplômée d’une école d’ingénieurs, Audrey Frénois a suivi un parcours professionnel dans le domaine du management de projets. Tout d’abord ingénieur projets, elle gère des missions internationales pour l’industrie automobile et obtient rapidement des responsabilités de management d’équipe. Elle évolue ensuite vers une fonction commerciale et devient directrice d’agence, en charge d’une entité de près de 200 collaborateurs et d’un chiffre d’affaires annuel de plus de 15 millions d’euros. Épanouie dans son poste, elle décide cependant avec son mari de partir au Japon et de mettre entre parenthèses sa carrière. Une pause dont découle un tout nouveau projet professionnel qui prend forme à son arrivée au Japon. En créant Hanawa Origami de toutes pièces, elle commence à porter la casquette d’entrepreneure. Depuis près de deux ans, elle développe de nouveaux produits (décorations à base d’origami réalisées en papier washi), s’interroge sur les lois du travail, met en place son marketing, invente un storytelling, décide de sa tarification, augmente sa présence sur les réseaux sociaux, construit son site Internet, met en place un service clients, s’engage dans l’organisation de stands pop-up, etc. Que de nouveaux sujets qui lui ont permis de se dépasser !
Vous imaginiez-vous démarrer votre propre commerce ? Une influence familiale peut-être ? Ou tout simplement une soif d’apprentissage qui vous caractérise ?
Pas du tout ! J’ai toujours travaillé en équipe donc je n’aurais pas imaginé travailler en solo et devenir entrepreneure à l’autre bout du monde. Par contre, quand j’entreprends quelque chose, j’aime aller jusqu’au bout et ça, je dois le tenir de mon père, qui en parallèle de son métier d’avocat fiscaliste, était aussi un grand joueur de bridge (deux fois champion du monde) et un passionné de vin qui l’a amené à co-créer une société de négoce en vin. Quand j’ai eu l’idée de vendre des créations en origami, j’ai décidé d’entreprendre ce nouveau projet avec l’ambition de développer mon activité tout en cherchant à la professionnaliser. Avec du recul, tout débute par le fait qu’avant mon départ pour le Japon, je fabriquais des guirlandes en origami que je vendais à mon réseau et dont je reversais les bénéfices à une association.
Seriez-vous commerciale dans l’âme ?
C’est vrai qu’avant de venir au Japon, j’ai travaillé six ans dans des fonctions commerciales. Ce qui me motivait était de développer mon portefeuille d’activités et de créer de la valeur. Pour cela, je me suis toujours appuyée sur mon expertise technique. Pourtant, travailler dans le domaine commercial n’a jamais été une évidence pour moi… Cela dit, je me rappelle qu’à l’âge de 10 ans j’avais entrepris de vendre les crustacés que je ramassais sur la plage de mes vacances. À 15 ans, j’ai fait de la vente de maquillage en VPC. Pour revenir sur mon activité de guirlandes en origami, j’avais sollicité ma société pour sponsoriser l’association dans laquelle j’étais bénévole : une année, elle m’a ainsi commandé 50 guirlandes de grues en origami pour les offrir à Noël à une partie du staff. J’ai dû passer mes soirées et mes week-ends pendant plus d’un mois à plier du papier pour réussir à les produire toutes, mais c’était une belle récompense. Donc avec le recul, j’ai peut-être en effet une âme de commerciale !
D’où est venue l’idée de créer Hanawa Origami ?
C’est venu de plusieurs sources. Tout d’abord j’ai toujours aimé les travaux créatifs. Il y a une dizaine d’années, j’ai suivi un cours d’origami avec mes filles et je me suis rendu compte que cette activité me dé-stressait, j’ai donc pris plaisir à en faire régulièrement. Ensuite le fait de venir au Japon. En effet, venir dans le pays de l’origami et surtout du papier washi était très stimulant ! Mais je pensais au départ proposer des ateliers d’origami à des enfants. Puis j’ai découvert les pop-up et des créatrices comme Juliette de From Jujuwithlove qui m’ont incitée à proposer mes créations. Comme j’adore les challenges, j’ai décidé de me lancer dans l’aventure qui réveillait en moi un esprit créatif. Pour m’aider à me structurer afin de lancer mon activité, j’ai décidé en octobre 2019 d’intégrer le club entrepreneures de Femmes Actives Japon. Je cherchais à être stimulée par un groupe d’autres femmes entrepreneures et à ne pas avancer seule dans cette démarche de création d’activité.
Dans cette aventure d’Hanawa Origami, avez-vous appris sur le tas ? Ou êtes-vous plutôt de nature prévoyante, épluchant livres, Internet et/ou podcasts avant de démarrer ?
J’aime être dans l’action. Si j’ai une idée, j’ai besoin de la partager et de la mettre en application ! Hanawa Origami a donc beaucoup évolué entre sa création et maintenant.
Je suis plutôt de caractère autodidacte, je n’ai donc pas suivi de formations au sens strict du terme. Par contre j’ai visionné beaucoup de vidéos Youtube pour apprendre à faire certains origami de base. J’ai également écouté des podcasts comme Fait main afin de découvrir et de m’inspirer d’entrepreneures créatives. Je me suis enfin beaucoup entourée d’un réseau bienveillant d’entrepreneurs pour échanger sur mes activités ainsi que pour m’aider à renforcer ma compréhension des réseaux sociaux.
J’ai ainsi pu affiner et définir l’image que je souhaitais donner à ma marque en imaginant et concevant des créations qui me définissent. Comme mon origami signature qu’on retrouve dans beaucoup de mes créations et qui représente une fleur de sakura aux multiples pétales. Cet origami signature est inspiré d’un pliage de base, mais que j’assemble et mets en scène dans les compositions que je crée. Jusqu’à aujourd’hui, je n’ai encore jamais vu quelqu’un d’autre proposer cet assemblage.
Quels ont été vos plus gros challenges ? Y aurait-il une étape dans la création de Hanawa Origami qui vous a empêchée de dormir ? Sur qui ou quoi vous êtes-vous appuyée pour rebondir ?
Un de mes premiers challenges a été de développer ma communication au travers des réseaux sociaux. Pour ne pas m’éparpiller, j’ai choisi de travailler principalement sur Instagram. Définir ma ligne éditoriale et comprendre le fonctionnement de l’algorithme pour bénéficier d’un maximum de visibilité m’a pris du temps, mais j’ai aujourd’hui un compte Instagram en lien avec l’identité de ma marque avec près de 2 500 followers. Ça reste néanmoins beaucoup de travail avec plusieurs heures par semaine passées sur Instagram pour développer mon activité.
Un autre challenge fut mon site Internet. Au début de mon activité, je n’en voyais pas l’intérêt. « Une décoration en origami, c’est fragile », « c’est encombrant à expédier », « l’envoi à l’international coûte cher, ça n’intéressera pas les clients ». Je créais mes propres objections pour ne pas traiter ce sujet, convaincue que ça n’allait rien apporter à mon projet. C’est en échangeant avec d’autres entrepreneures et mes clients que j’ai mesuré qu’un site marchand pouvait m’aider à développer mon activité, et surtout m’apporter une vitrine, de la crédibilité et du professionnalisme.
Dernier challenge à relever, mon syndrome de l’imposteur. Il m’a fallu plusieurs mois avant d’écrire « artiste » sur mon profil Instagram Hanawa Origami, et encore aujourd’hui j’ai du mal à me définir en tant que telle. Le syndrome de l’imposteur m’amène à douter de mon travail et peut générer un manque de confiance en moi, mais j’y travaille !
Pour m’aider à rebondir sur ces différentes difficultés et challenges que j’ai rencontrés depuis le lancement de mon activité, j’ai cherché à m’entourer de personnes ayant des connaissances ou les compétences qui me manquaient. Et c’est avec leur support que j’ai pu aller plus vite et plus loin.
À quel moment vous êtes-vous dit : « J’ai réussi » ?
Question très difficile ! Même si mon projet a encore du chemin à faire et a encore une marge de développement, j’ai franchi plusieurs étapes qui me montrent le chemin de la réussite.
Mais pour partager quelques exemples concrets que j’ai vus comme des réussites :
- Ma première vente via Instagram, signe pour moi que tout l’investissement mis sur ce réseau social était utile
- Ma première vente via mon site Internet par quelqu’un qui n’était pas dans mon réseau. Et maintenant mes créations voyagent vers l’Europe, mais aussi vers les US et le Canada !
- La première fois qu’on m’a contactée pour participer à un salon en France sans que je fasse de démarches !
En parlant d’exposition, je serai d’ailleurs présente au salon d’Idées Japon qui aura lieu à Paris du 17 au 19 novembre 2022. C’est une belle vitrine pour aider à basculer mon activité en France !
Prévoyez-vous de continuer votre activité en France à votre retour ?
Oui, je prévois en effet de continuer mon activité, mais pas à temps plein. En effet, je retourne dans l’entreprise pour laquelle je suis en disponibilité depuis trois ans. Arrêter Hanawa Origami m’est impossible : j’ai besoin de cette activité de création qui me rattache au Japon et de continuer ce projet qui me tient à cœur. De plus, j’ai pris la décision, suite à la guerre en Ukraine de reverser mes bénéfices à une association française venant en aide à des réfugiés de guerre. Ce choix me permet de donner une dimension solidaire à Hanawa Origami. Je créais déjà des guirlandes en origami lorsque j’étais en France au profit d’une association, je vais donc continuer pour une autre association qui résonne avec l’actualité… Quelque part, la boucle est bouclée.
Avez-vous un message pour nos lectrices qui souhaitent se réaliser, comme vous ?
Il faut avant tout croire en son projet ! Je pense également que se fixer des objectifs est essentiel, ça permet de mesurer son avancement et le rythme auquel les étapes sont franchies. De plus, atteindre ces objectifs nous motive et nous challenge. Je n’ai pas fait du management de projets pour rien ces 20 dernières années ! Sachez également vous entourer pour partager et tester vos idées. Mais aussi pour apprendre des autres et rompre l’isolement.
[31/03/2022]